Les migrant.e.s sont sous-évalué.e.s et attaqué.e.s dans tous les aspects de leur vie. Ils suivent le chemin de la migration pour échapper à la guerre, à la pauvreté et parfois par désir d’une vie meilleure. Les patrons et leurs États fomentent des guerres pour servir leurs objectifs politiques ou économiques – l’exploitation des ressources minérales, le développement de l’industrie des armes, le contrôle des zones géostratégiques. L’État grec en est un exemple concret ; avec ses alliés, il participe actuellement à des opérations de combat aérien en Afghanistan et avait également participé à l’invasion de l’Iraq en 2003, qui se poursuit à ce jour et a déclenché une résurgence du chaos de la guerre au Moyen-Orient.
Au cours de leurs voyages, les migrants se heurtent à des régimes frontaliers meurtriers, dont les États ont renforcé le contrôle au cours des dernières années, fermant les passages sûrs et poussant les gens à emprunter des itinéraires encore plus dangereux. Souvent, ils sont obligés de remettre les épargnes de toute une vie entre les mains de réseaux de passeurs et risquent la noyade en raison de mauvaises conditions météorologiques ou de moyens de transport inadéquats. Des incidents ont été enregistrés dans lesquels la police des frontières a attaqué, repoussé ou, pire, coulé des bateaux de migrants. Et quand bien même ils réussissent à passer, les enfers de la Grèce, de la Turquie, de Chypre et de la Libye les attendent.
Initialement, les «hotspots» filtrent la population en collectant leurs données personnelles, puis en les catégorisant en fonction de leur nationalité et autres facteurs arbitraires. Le processus se termine par l’emprisonnement ou le confinement dans des camps de concentration gardés par la police et l’armée. Des milliers de personnes partageant des caractéristiques communes, telles qu’être migrant, le lieu d’origine et des situations économiques difficiles, s’entassent dans le même espace. Ces «structures d’hébergement» ont des caractéristiques racistes et classistes claires qui se reflètent le plus durement sur leurs conditions de vie. Des conditions telles qu’être loger dans des conteneurs en métal qui deviennent des fours virtuels en été ou dans des tentes détrempées et submergées en hiver, une nourriture inadéquate mais qui a pour avantage de maximiser les profits des entrepreneurs, et le manque de soins de santé de base et de médicaments au point de créer de graves risques d’infection ou d’épidémie. Le pire étant toutefois la perte de liberté, qui s’accompagne d’une détention à durée indéterminée, de contrôles constants et de restrictions des mouvement.
Le prochain test auquel les migrant.e.s sont confronté.e.s est la traque incessante que les flics leur mènent dans les quartiers où ils vivent et travaillent. Assassinats et passages à tabac dans les postes de police, contrôles d’identité et arrestations entraînant des détentions longue durée, disparitions et déportations. Nous n’oublierons pas le Nigérien Ebuka, torturé à mort à l’intérieur du commissariat de police d’Omonia en février 2019, ni les huit Algériens qui se sont retrouvés avec les jambes cassées aux mains des gardes fascistes au centre de détention de Petrou Ralli en 2018.
Au travail, ils et elles sont exploité.e.s jusqu’à n’en plus pouvoir, dû au simple fait qu’ils et elles constituent la classe de travailleurs la plus invisible. La dévaluation de leur travail s’accompagne d’une exclusion totale ou partielle des services d’éducation, de santé et des services publics en général. Le travail des migrant.e.s en Grèce évoque des pratiques similaires aux années 90, caractérisées par des salaires dégradants, le travail au noir et le terrorisme des employeurs. Les patrons profitent des migrant.e.s sans papiers pour pousser encore plus loin leur exploitation. Ils créent un état de peur en essayant de réprimer la résistance, par exemple en appelant les flics au moment de payer leurs salaires ou en maintenant un roulement constant d’employés. Et pour ceux qui ont des papiers, il y a toujours la tactique de l’employeur de Manolada.
La guerre contre les migrant.e.s est organisée par des patrons et des États qui utilisent des mythes intrinsèquement racistes et nationalistes pour maintenir et perpétuer l’exploitation. Par exemple, les médias grands publics cachent aujourd’hui le fait que depuis la mi-2015, le nombre de nouveaux migrants en Grèce n’est que de 60 000 et que leur nombre reste constant. Au lieu de cela, ils propagent toute la journée une propagande raciste, nationaliste et militariste avec des titres comme «invasion», «atterrissage» et «il n’y a plus de place». Pour nous, il ne s’agit évidemment pas d’une question de «place», car nous savons que dans nos quartiers et nos villes, il y a de la place pour tous les personnes opprimées et résistantes du monde.
Les camps de concentration, une industrie nationale
La poursuite de la politique du gouvernement précédent consistant à développer davantage le secteur des camps de concentration pour migrants, avec la création de quatre nouveaux camps dans la région de l’Attique, figure tout aussi haut dans les priorités de ceux qui sont actuellement à la tête de l’État. Une industrie nationale qui réalise des profits pour des entreprises privées (ONG), l’armée grecque (50% des migrant.e.s sont désormais sous la gestion de l’armée suite à l’accord interministériel Mouzalas-Kammenos), des patrons de la restauration, des trafiquants; c’est-à-dire des représentants proches du noyau interne de l’État.
Dans le même temps, le secteur des ONG, qui opèrent aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des camps de concentration, est devenu l’un des secteurs les plus lucratifs et en expansion pour le capitalisme grec. Il existe un conflit acharné entre les États grec et turc au sujet duquel captera et tirera le plus profit des fonds de l’Union européenne destinés à la protection du peuple.
En mars 2016, l’UE a décidé d’assigner à la Turquie le rôle de gardien en chef de sa future main d’œuvre et a signé le fameux accord UE-Turquie, tout en conservant d’autres accords avec la Grèce, l’Égypte, les chefs tribaux libyens et d’autres. Pour cette raison, nous pensons que la demande d’annulation de l’accord UE-Turquie concerne la concurrence entre États plutôt que notre lutte de classe.
Les politiques d’illégalisation et d’assujettissement mise en place par les États européens sont utilisées à travers le monde entier, par exemple par le capitalisme américain envers les travailleurs d’Amérique latine et par le capitalisme chinois après qu’il ait déclaré l’immigration interne illégale.
Résister et squatter comme moyens de résilience
Face à ces conditions, les migrant.e.s résistent et se rebellent. Ils et elles protestent et mettent le feu aux enfers de Petrou Ralli, de Samos et de Moria ; ils s’échappent, occupent des autoroutes et des chemins de fer, ils campent aux frontières et se heurtent aux forces répressives de l’État. Et chaque fois qu’ils en ont l’occasion, ils quittent les camps de concentration pour retourner dans le tissu urbain, où ils construisent leurs relations à la fois dans divers contextes sociaux et sur le lieu de travail. Dans les centres urbains, ils exercent divers métiers et en viennent parfois à lutter pour défendre ces seuls moyens de survie, comme l’illustre la lutte commune des colporteurs d’ASOEE avec des étudiants anarchistes et antiautoritaires.
Ils utilisent et participent aux structures de solidarité du mouvement pour se loger et organisent leur vie en communautés sans contrôle terroriste de la part de l’État. C’est le cas de Spirou Trikoupi 15 Transito, de Spirou Trikoupi 17, des 2nd et 5th school, et du squat Oneiro, dernier expulsé, ainsi que des dizaines de squats expulsés par Syriza, tels qu’Azadi, New Babylon et Clandestina. Ces structures de solidarité étaient situées en plein cœur de la ville, à proximité des gens, des moyens de transport et de communication, des écoles et des services nécessaires aux migrants pour naviguer le dédale bureaucratique que leur impose l’État.
Les squats, les stekia (centres sociaux) et les espaces de lutte en général, sont des communautés multiethniques qui, en plus de loger les migrant.e.s, organisent des cuisines collectives, des centres médicaux, des distributions de vêtements et autres produits de première nécessité, des cours auto-organisés, des théâtres, des concerts et de la production de repas, ainsi que la collecte d’argent et de produits de première nécessité pour les prisonniers. Ce sont des communautés qui aspirent à être des refuges contre la violence domestique, le patriarcat et le contrôle économique et politique de l’État.
Au-delà des besoins quotidiens et des structures sociales, les squats, les espaces sociaux et plus généralement les espaces de lutte sont des lieux de rencontre et d’organisation pour des centaines d’opprimé.e.s, d’exploité.e.s et de personnes en lutte. Dans des squats tels que celui de GARE, récemment expulsés, ou Villa Amalias quelques années auparavant, ainsi que dans la majorité des occupations en Grèce, la voix des militants anarchistes-anti-autoritaires et la conscience de classe émergent et prennent forme. Dans ces espaces, des actions contre l’État, les intérêts capitalistes et patriarcaux sont planifiées et des initiatives et des collectifs voient le jour. La prolifération des squats reflète le rejet de l’institution de la propriété privée, alors que leur existence incarne ce rejet. Ils soutiennent et nourrissent l’idéal révolutionnaire qui proclame que les forces des classes populaires et marginalisées sont capables d’exproprier des bâtiments, d’occuper des territoires et de se construire une vie sans État, sans capital et sans patriarcat.
Les champs de la lutte sociale / de classe ne se limitent pas à la défense des squats et des espaces sociaux. Les places et les quartiers comme Exarchia, des endroits comme Lefkimi et Skouries, des écoles et des universités sont des endroits où les gens se battent contre des plans de développement désastreux et délimitent des lignes de défense contre les armées de l’État. C’est parce que les espaces de lutte constituent une barrière aux desseins capitalistes que l’État a toujours essayé de les supprimer et de discipliner nos propres corps. Les combattants frustrent les efforts des patrons et de l’État et laissent un héritage important pour la résistance de demain.
Croissance signifie Déplacement Sournois
D’Agrafa à Chania, du centre d’Athènes à l’île la plus lointaine, la machinerie capitaliste et étatique est en train de se réorganiser, promouvant des plans de développement extrêmement destructeurs pour l’environnement et nos quartiers. L’industrie des énergies renouvelables rase et déchire les montagnes pour construire des éoliennes, des projets pharaoniques qui dureront quelques années avant de devenir une foutaise dans un paysage mort. Des chantiers comme le barrage sur le fleuve Acheloos menaçant d’éradiquer un village entier. D’énormes perceuses creusant des plaies profondes dans la terre et la mer pour absorber davantage de combustibles et de minéraux.
Au-delà du pillage de la nature, une grande partie de la société est menacée par la transformation lente de nos quartiers en stations touristiques. Le phénomène AirBnB, ainsi que les intérêts matériels des propriétaires font monter les loyers alors que les salaires sont maintenus au minimum. Ces nouvelles conditions nous empêchent de faire face aux pressions financières et nous sommes obligés d’abandonner nos quartiers. Le coût de la vie augmente et notre avenir professionnel est réduit à être un galérien au service du tourisme, sans même pouvoir vivre dans les quartiers où nous travaillons. Avec le soutien et la participation sans faille de la municipalité d’Athènes et des institutions locales de chaque région, nos quartiers deviennent des produits publicitaires et sont la proie de l’appétit insatiable des grands et petits patrons. Dans le même temps, l’état régalien renforce la protection de la circulation des marchandises et donne aux hommes d’affaires et aux consommateurs un sentiment de sécurité. De la ville à la campagne et des îles à la montagne, tout le pays est un chantier de construction et un centre de consommation.
Un plan global de répression étatique et de développement capitaliste exige que nous acceptions et normalisions le pouvoir de la police et le niveau de vie que les patrons veulent nous imposer.
En ce qui nous concerne
Face à ça, nous répondons que la classe des opprimé.e.s et des personnes en lutte peut vivre et organiser sa vie sans l’oppression et l’exploitation de l’État, du capital et du patriarcat. Organisé.e.s collectivement en communautés, en assemblées de quartier et syndicats populaires, avec des structures de solidarité et d’autodéfense, nous pouvons tirer parti de multiples forces, résister et freiner les machines de la soumission sociale. N’oublions pas que tout le pouvoir et le savoir sont aux mains des exploité.e.s et que, combinés au désir de créativité et de liberté, nous pouvons viser la lune.
– LUTTE COMMUNE DES LOCAUX.ALES ET MIGRANT.E.S SANS DIVISION NATIONALISTE
– TOLÉRANCE ZÉRO POUR LES CAMPS DE CONCENTRATION, DES PAPIERS POUR TOUS LES MIGRANT.E.S
– CONTRE LA DÉVALUATION DE NOS VIES ET LES DÉPLACEMENT DE NOS CORPS
– CONTRE L’ÉTAT, LE CAPITAL ET LE PATRIARCAT, POUR LA LIBERTÉ SOCIALE ET LA LUTTE DES CLASSES